Depuis le début des années 2000, la multiplication des crises dans les différents champs de l’activité économique, les tendances structurelles au ralentissement de la croissance et à la montée du chômage se diffusent dans les pays du Nord, spécialement dans l’Union européenne, mais aussi dans certains pays en développement, en particulier émergents. Les crises sociales des printemps arabes comme les manifestations en Turquie et au Brésil traduisent les inquiétudes face à ces évolutions qui sont jalonnées par des crises financières, immobilières et plus récemment de surendettement, des Etats comme des ménages. Tout un système est touché par un ensemble de dérèglements,et par la montée des interrogations sur les valeurs et les principes qui fondent l’activité économique et l’organisation sociale.
Aujourd’hui, les préoccupations éthiques sont devenues centrales dans nos sociétés. Celles-ci se manifestent, notamment, par le biais d’inquiétudes écologiques, par la méfiance du tout-technique, des manipulations génétiques, ou encore par le souci du respect des droits de l’Homme. La place prise par les fondations, la microfinance, le social business, l’entrepreneuriat social et l’économie sociale et solidaire montre que des institutions et des pratiques innovantes tentent d’apporter des réponses à ces questions.Il paraît dès lors nécessaire de s’interroger sur la place de l’éthique comme enjeu sociétal d’issue aux crises, particulièrement dans le processus entrepreneurial qui constitue une puissante dynamique d’un développement socio-économique soutenu et durable.
L'éthique peut être définie au sens large (issue de la philosophie de l'utilitarisme vs celle des droits) et dissociéede la morale : la première renvoie aux règles ou aux modalités (quelles qu’elles soient : utilitarisme, principe de différence ou leximin, droits, y compris de propriété), tandis que la seconde est fondée plutôt sur des valeurs ou des principes et pose le problème de la place de l’éthique dans la vie publique. Ainsi, pour l'entreprise, éthique de concurrence et principe de maximisation sont compatibles selon que l'éthique est respectée ou non. Quant à la maximisation, elle peut recouvrir différents objectifs (profit, taille...),susceptibles de remettre en cause l'éthique de la concurrence (monopole).Introduire l’éthique comme référentiel d’un développement durable est une assertion légitime car elle associe les acteurs de la société civile au côté d’acteurs privés et publics.
Ce concept philosophique, devenu pluridisciplinaire, tient une place importante dans les sciences sociales et questionne l’ensemble des disciplines constitutives de ce domaine. L'éthique peut être déclinée selon : 1/ Les objectifs (droits et/ou bien-être) qui sont sous-jacents aux Objectifs du Millénaire pour le développement. 2/ Les règles de répartition (déontologie) des droits et des avantages à l'échelle macroscopique de la (des) nation (s) (citoyens, usagers...) au regard de l'éducation, de la santé, et à l'échelle microscopique de l'entreprise/organisation ou de l'institution et de ses acteurs (responsabilité sociale à l'égard des salariés comme des consommateurs et de l'environnement...).
La réflexion autour d’une éthique d’entreprise n’est pas nouvelle. Depuis le début de l’industrialisation en Angleterre, il existe, en effet, une tradition de réflexion du monde des affaires sur lui-même. L’utilitarisme anglais de John Stuart Mill, la pensée de Max Weber sur le capitalisme protestant, les travaux de Thorstein Veblen, ou encore le capitalisme social français de la seconde moitié du 19e siècle sont autant de formes de réflexion sur le rôle de l’entreprise et le sens qu’elle doit donner à son action dans la société.L’entrepreneuriat est un concept transversal : une dimension historique peut se coupler avec des approches managériales et sociologiques pour analyser les critères qui fondent les typologies à l’œuvre dans le processus entrepreneurial. La créativité, l’initiative, la prise de risque et l’innovation sont au cœur de ce processus. La dynamique entrepreneuriale constituant un des fondements du changement économique et social, un premier cadre d’analyse est donc de s’interroger sur les capacités du capitalisme entrepreneurial à être un vecteur incontournable du développement.